C’est ma fille qui m’a posé la question. L’an dernier lors du premier déconfinement (je remonte loin, n’est-ce pas?)
C’était lors d’un week-end passé en province avec mes amis et leurs enfants. Les adultes sont sourds, les enfants entendants. Exceptionnellement, mon mari n’était pas avec nous.
À un moment donné, nous bavardons avec mes amis. Ma fille s’approche de moi, et me pose la question, discrètement, de peur d’être comprise de mes amis qui peuvent lire sur ses lèvres :
‘Pourquoi vous avez tous des appareils dans vos oreilles ?‘
Puis elle ajoute : ‘sauf Papa‘.
Je lui explique que nous sommes tous sourds sauf Papa 😉
Pendant le premier confinement, j’avoue avoir été dépassée par la situation inédite, comme presque tout le monde.
Même si je faisais déjà le télétravail une fois par semaine avant, je faisais tout pour que les réunions importantes se passent à mon bureau pendant mes jours de présence physique.
Je partage avec vous mon expérience et comment je m’en suis sortie pendant les confinements.
Les outils pour suivre à distance
Pour suivre les échanges professionnels à distance, ces outils sont à ma disposition dans mon entreprise :
l’email
la messagerie instantanée (avec ou sans vidéo)
le partage de document (un outil qui permet de montrer notre écran ou un document à quelqu’un à distance) avec un numéro de téléphone sur lequel on peut échanger.
un outil de visioconférence
la prestation de retranscription écrite (pour moi)
Comment je communique ?
Déjà, le mail, c’est la com de base… on sait que ce n’est pas toujours suffisant pour travailler.
Quand on est 2 :
messagerie instantanée
outil de visio (quand la vidéo n’est pas hachée !)… quand je ne comprends pas la personne, je l’invite à s’exprimer par écrit dans le tchat de la visio.
Quand on est plus de 2, j’ai testé différents types de réunions :
>> avec la messagerie instantanée, des réunions silencieuses avec plusieurs personnes, oui ! cela s’est bien passé, comme quoi, on peut se passer de la voix pour décider. Si vous voulez une réunion écrite à plusieurs, proposez-le aux participants à l’avance pour ne pas les prendre au dépourvu.
>> réunion téléphonique avec plusieurs personnes (partage d’un fichier, visioconférence…) : je suis OBLIGÉE de réserver la prestation de retranscription écrite pour suivre les échanges, et j’utilise ma voix. Je peux utiliser le tchat pour écrire une question, une remarque…
Alors, sur mes 2 écrans d’ordinateur, plusieurs fenêtres sont affichées :
partage d’un document ou / et de visio,
retranscription écrite,
messagerie instantanée.
Généralement, je mets toutes les fenêtres sur mon plus grand écran. Ainsi, j’ai une vue globale devant moi.
Vous imaginez bien que cela me demande plus de concentration pour gérer toutes ces fenêtres qu’à une personne lambda.
Pratiquer & apprendre
J’ai aussi appris à m’exprimer à distance. J’étais désemparée quant à nos codes de communication orale auxquels je n’étais pas du tout habituée.
En pratiquant, j’apprends à m’exprimer, à faire la transition en passant à un autre sujet (je n’y arrive pas toujours, assez difficile), à savoir quand intervenir dans une discussion (je coupe encore la parole !)…
Mon équipe a aussi appris à s’adapter vis-à-vis de moi : ne pas me couper la parole non plus, attendre que je finisse de parler, ne pas parler trop vite, attendre quelques secondes de plus que je lise la retranscription écrite avec quelques secondes de décalage, que je réponde ensuite…
J’ai même demandé à mes amies sourdes comment elles se débrouillent en télétravail, leurs équipements pour participer à une réunion. Cela m’a beaucoup aidée à prendre du recul, à trouver ce qui me va le mieux.
Aujourd’hui, même après le 2ème confinement, je n’ai pas fini d’apprendre… et les collègues entendants non plus ! il y en a qui sont mal à l’aise avec certains outils. On pratique ensemble, on découvre des outils, des fonctionnalités qui nous conviennent ou non… pour arriver à une situation idéale pour communiquer tous ensemble.
S’adapter
On pense qu’on a de la chance car on a tous ces outils à notre dispo mais, en réalité, c’est plus compliqué que ça.
Par exemple, quand je reçois une invitation pendant laquelle je risque d’intervenir, je demande généralement à l’organisateur de la réunion, l’utilisation d’un outil de visio pour que je puisse parler de vive voix. Parfois, pour problème de connexion, l’organisateur préfère ne pas prendre un outil de visio si mon intervention dure 5 min pour un call d’1 heure. La personne parle à ma place (après avoir pris connaissance de mes infos) et je peux m’exprimer par le tchat.
En effet, je n’utilise pas mon téléphone pour appeler à un numéro de tél. Je peux… mais, aujourd’hui, je n’en ai pas envie.
Pour la petite anecdote : un jour, sur un pont téléphonique, j’ai appelé avec mon téléphone et la personne qui retranscrit, était aussi là. Mais : regarder les différentes fenêtres dont j’ai parlé + animer la réunion moi-même + faire attention à ma voix + articuler + ne pas trop éloigner mon tél de ma bouche…
Une grosse charge mentale ! cela m’a bien épuisée ! avec les acouphènes pour compagnie…
Ça va dans les deux sens
Je me suis débrouillée comme j’ai pu, pour mes projets. Pas seulement grâce à ces outils formidables ou à la retranscription écrite (qui, j’avoue, est indispensable pour mes 80% de réunions hebdomadaires ! les 20% passent par les mails ou la messagerie instantanée).
J’ai appris avec mes collègues et managers, à utiliser les différents outils, à trouver ceux qui nous conviennent le mieux, à m’exprimer davantage sur mon ressenti, mes besoins spécifiques (j’avoue que ce n’est pas fini).
C’est aussi grâce à eux qui s’adaptent en retour à ma situation, qui comprennent ma situation spéciale.
Aujourd’hui, depuis un mois, le masque est obligatoire pour les plus de 6 ans… Cela me navre, sachant mon attitude face aux adultes masqués.
Le matin ou le soir, sur le chemin de l’école, P’tit Loup et Tchipie, mes enfants, me parlent parfois avec leur masque, je le leur signale, ils le baissent ou enlèvent pour me répéter ce que je n’ai pas pu comprendre. Ils le font avec fierté ! C’est mignon… malgré tout.
Quand je les récupère à la sortie d’école, les enfants gardent encore leur masque sur le visage. Je leur propose de l’enlever. Ils l’enlèvent. La petite préfère souvent le garder sur son visage à cause du froid hivernal !
Mais mes enfants sont tellement choux avec leur masque en tissu imprimé !
En dehors de l’école, il arrive parfois que mon fils mette un masque sur son visage car il a 10 ans. Alors, quand il est avec moi, je lui dis (je suis égoïste, oui) : ‘Ne mets pas le masque, tu n’as pas encore 11 ans.’
Encore quelques deux mois et ce sera son tour de défigurer son canal visuel qu’est son beau visage d’enfant pré-adolescent… Alors, je profite de ces derniers moments de liberté, de communication spontanée, de leur visage découvert.
Les masques partout. Je vois des visages masqués autour de moi dans la rue, dans les magasins, au travail, dans les transports urbains. Le canal visuel est coupé entre moi et les autres, c’est-à-dire avec mon entourage proche, les commerçants, les collègues, les inconnus…
De temps en temps, depuis quelques mois, on me dit ou bien je reçois des messages : J’ai entendu parler du problème des masques pour les sourds à la radio / tv et je pense à toi ! Cela me touche sincèrement. Parfois, ce type de message : Ça doit être dur, je suis désolé(e) pour toi.
C’est simple, je ne comprends pas quand les autres me parlent avec leur masque qui cache leurs lèvres. Je ne vois plus entièrement leur visage qui, aujourd’hui, plus que jamais, est devenue une zone vitale pour comprendre ce qu’ils essaient de me dire.
Même ceux qui me connaissent me parlent avec, sans le faire exprès : ‘Merde, j’ai oublié que je le portais !‘ et on rigole ensemble !
On dit que la phrase : ‘tu as pris ton masque ?‘ est la plus souvent prononcée, alors que pour moi, c’est plutôt : ‘peux-tu / pouvez-vous enlever le masque ?‘
Et aussi, l’autre phrase la plus souvent prononcée dans ma vie, enfin davantage depuis que l’on porte les masques… A un mot près : ‘Je suis sourde, je lis sur vos lèvres pour comprendre. Pouvez-vous enlever le masque ?‘
(Vous voyez, je suis tout le temps polie !)
Je le disais beaucoup plus rarement avant tout ça. Avant l’arrivée du virus, avant le port du masque obligatoire. Aujourd’hui, je dévoile davantage ma surdité qui est invisible en temps normal.
Pourquoi je ne regarde plus la personne avec le masque?
Depuis que l’obligation du port de masque s’est généralisée partout, cela m’ennuie mais je n’y peux rien, je dois faire avec. Je suis évidemment pour freiner la pandémie du covid-19 par tous les moyens possibles mais le problème de communication va s’amplifier, multiplier nos malentendus, impacter davantage notre vie sociale.
Nous savons que cela risque de durer encore plusieurs mois, voire une année. Ne l’oublions pas.
Aujourd’hui, je ne regarde plus les personnes qui me parlent avec le masque, même si elles font partie de mon entourage proche, j’espère qu’elles ne m’en voudront pas !
En réalité, cela me prend encore plus d’énergie que dans mon quotidien sans masque… De manière automatique, je regarde la personne qui me parle, mais je ne la comprends plus à cause du tissu qui cache sa bouche. Je regarde ses yeux, je scrute son comportement non verbal. Inconsciemment, je cherche encore à comprendre, à deviner ce qu’on essaie de me dire.
Je ne supporte plus non plus de voir les gens parler avec le tissu qui gonfle et dégonfle sous le souffle ondulant de leur voix.
J’ai envie d’être tranquille. Je n’ai plus envie de marcher à côté de quelqu’un masqué. Je cherche des visages 100% découverts, lisibles. J’ai aussi envie d’être seule ou alors avec mes enfants qui ont moins de 11 ans.
J’ai appris à relativiser mais ce n’est pas fini.
Déjà, avant, je m’adaptais difficilement à la société, aujourd’hui encore plus. C’est triste à dire mais je me suis habituée à m’adapter vite quelle que soit la circonstance.
Aujourd’hui, j’arrive à rester sereine face à cette situation inédite grâce à de nombreuses personnes compréhensives autour de moi. J’ai appris à relativiser dans ce contexte, depuis mars dernier.
Je sais que d’autres personnes peuvent vivre des situations plus difficiles que moi, je sais que si quelqu’un me résiste avec son masque face à moi, c’est parce qu’il a ses propres raisons. Je dois encore apprendre à m’exprimer quand je suis très mal à l’aise face à une personne dont je ne vois plus le visage entièrement car, justement, ce n’est pas normal. Et on apprend ensemble à s’adapter, dans les deux sens.
Parfois, je vis des aventures incroyables avec des vitres en plexiglas, des visières, des masques transparents… des aventures qui mettent quand même du baume sur le cœur car on en rit souvent avec ces personnes ! Je raconterai cela dans un autre billet.
Et oui, on arrive à transformer ces situations sinistres pour les sourds, en des situations les moins gênantes possibles, des aventures rocambolesques ! Et nous en avons tous besoin pour notre moral.
Encore un long billet mais j’avais tellement envie de m’exprimer sur ce sujet. Merci de me lire encore et encore 🙂
Ne vous inquiétez pas, je voulais un titre un peu provocateur.
J’avais préparé deux articles pour mon blog mais je n’ai pas envie de les sortir pour l’instant. Pourquoi ? je ne sais pas. Un sentiment mitigé, peut-être.
Je voulais partager avec vous un billet sur les 10 ans de maternité. Oui ! mon fils a maintenant 10 ans ! Et je voulais aussi parler du télétravail à distance ; pour moi, comment cela se passe avec toutes ces réunions téléphoniques ? (je ne vous raconte pas tout de suite)
J’ai laissé tomber. Ce soir, j’ai eu envie d’écrire autre chose, je ne sais pas quoi. Pour une fois, je laisse mon intuition me guider pour ce billet… Je pars d’une page blanche pour arriver à…
Vous allez penser que je déprime, mais non. Le confinement peut être déprimant à la longue, oui, mais dans mon cas, je ne le ressens pas personnellement. Peut-être parce que j’ai une maison et un jardin. Parce que je gagne 1h30 de sommeil (ça va être dur à la fin du confinement). Parce que… etc.
Oui, bien sur, on nous conseille de faire attention à la notion de temps qu’on perd avec le télétravail quotidien. Nous avons l’impression de travailler davantage (j’en étais physiquement et mentalement épuisée au bout de 10 jours et ça va mieux maintenant). Nous essayons de ne pas oublier nos enfants qui sont à côté de nous tous les jours (je fais des mini-pause dans la journée).
Oui, nous avons de nouvelles habitudes… entre autres comme le suivi des travaux de nos enfants (Tchipie en grande section et P’tit Loup en CM1). Oui, parfois, ils s’ennuient à mort (je répète ce que m’a dit mon grand). Alors, dans ces moments-là, ils nous provoquent de temps en temps.
C’est marrant, j’ai vu quelque part que l’on lit moins qu’avant le confinement… Je lis effectivement beaucoup moins qu’avant (normal, je lisais dans les transports). Et alors, est-ce qu’on écrit moins qu’avant ? je me pose la question !
J’essaie aussi de réaliser des choses ‘que je n’avais jamais le temps de faire‘, je les fais petit à petit car je sais que le confinement peut être long à vivre. J’essaie de ne plus lire trop de choses négatives (je regarde quand même le JT de 20h pour être au courant). Je rigole à des blagues et vidéos marrantes en rapport avec la situation actuelle, et j’essaie de les relayer (toi aussi, n’est-ce pas?)… Faire des activités avec nos enfants (qu’on voit sur internet), pourquoi pas ? alors que les nôtres ont plein de jouets dans leur chambre et que nous pouvons avoir de l’imagination sans regarder ces astuces-là.
Déjà, avant le confinement, on profitait des petits plaisirs de la vie, aujourd’hui, cela n’a pas trop changé, sauf le travail, l’école, les sorties évidemment… mais en même temps, je pense qu’on en profite un peu plus, conscients de notre chance. Nous nous donnons des nouvelles avec nos proches, comment se passe ton confinement? tu ne t’ennuies pas trop? les enfants, ça va? Déjà avant, on se donnait des nouvelles, oui quand même.
Là, cela prend encore de l’ampleur mais, comme on sait que le bout du tunnel arrivera un jour, très vite j’espère quand même, il y a toujours de l’espoir… grâce aux solidarités qui se multiplient, aux actions qui chaque jour, fleurissent pour nous faciliter la vie et surtout, pour nous sauver la vie.
Mon dernier billet sur ce thème remonte à assez loin, en octobre 2017… je n’avais pas vu le temps passer. J’ai dû parler de l’évolution de notre communication avec mes enfants, parsemée dans plusieurs billets en deux ans.
Pour le premier billet de l’année 2020, je propose ce sujet qui m’apporte beaucoup sur notre relation mère-enfant !
L’aîné de presque 10 ans
Ah P’tit Loup… Il va très bientôt passer à sa première décennie… je devrai peut-être faire évoluer son surnom, n’est-ce pas ?
Alors, il me parle encore sans voix (pas tout le temps mais le plus souvent, oui).
J’avoue que je ne supporte pas trop cela car il me parle sans reprendre le souffle. Donc, forcément sans sa voix, il peut articuler aussi longtemps qu’il peut, pendant des minutes, sans faire de pause : ça devient ma hantise !
Je l’oblige parfois à me parler avec sa voix. Particulièrement quand il veut me raconter une anecdote ou je-ne-sais-quoi qui me demande quand même plusieurs minutes de concentration !
(C’est ainsi que je me suis aperçue que si l’on arrive à lire sur les lèvres pendant 10 minutes, c’est parce que mon interlocuteur reprend de temps en temps son souffle. C’était tellement inconscient chez moi que je remercie P’tit Loup pour cette découverte !)
Entre-temps, il a oublié certaines lettres (surtout les plus compliquées en terme de configuration). Quand il essaie d’épeler un mot, je lui demande d’utiliser la vraie dactylologie pour qu’il la pratique un peu plus souvent.
Il est le seul membre de ma famille à connaître la dactylologie, et j’ose espérer que ma fille suivra aussi ce chemin-là !
La cadette de 5 ans
Tchipie est encore très attentive à moi comme si elle se sentait un peu responsable de moi.
Et elle est débordante d’imagination. Si je demande à mon mari comment est le bruit qu’il vient d’entendre, il ne sait pas forcément me répondre. Si je demande la même chose à ma fille, elle est tout à fait capable de traduire ce bruit en imitation soit visuelle soit orale (et mon fils aussi, bien sûr).
Contrairement à mon fils, elle me parle plus souvent avec la voix que sans voix, il me semble. Je m’en rends compte avec les réactions de mon mari et mon fils qui l’entendent me parler, mais je peux me tromper.
Tchipie a eu moins d’explications sur ma surdité, puisqu’elle imite son grand frère. Sur ce point, j’ai essayé d’être vigilante avec elle. Je ne voulais pas qu’elle se comporte par jeu d’imitation mais qu’elle en soit bien consciente, de l’impact de ses attitudes, etc…
Dans tous les cas, elle est aujourd’hui en grande section de l’école maternelle. Elle dit à certains enfants de son âge que je suis sourde et que l’on doit me parler doucement.
Mes petits entendants
Bien sûr qu’ils se lassent parfois quand je dis que je ne les comprends pas. L’aîné s’énerve parfois franchement (un pré-ado ?) alors que la petite fait un petit soupir. La première fois qu’elle l’a fait, c’était il y a deux ou 3 mois.
Est-ce qu’ils répètent ? oui et non. Cela dépend particulièrement de leur humeur, de leur forme. Je fais maintenant attention à choisir le bon moment pour leur demander de me répéter mais c’est parfois raté !
Et vous, comment cela se passe avec vos enfants? 🙂
« C’est comme faire un puzzle, un Sudoku et un Scrabble en même temps. » Ian Noon
Ma charge mentale, pas celle de la maman, mais mon autre charge mentale, invisible elle aussi, celle qui est impactée par ma surdité.
Mon alliée de toujours…
Ma chère concentration qui me poursuit depuis mon enfance, qui m’a souvent bien fatiguée lors de ma scolarité et de mes études. Ma concentration que je retrouve tous les jours que ce soit sur le plan privé, professionnel ou social.
Ma chère concentration qui m’a découvrir les acouphènes dès l’âge de 21 ans et qui me les impose – encore aujourd’hui – quand je me suis trop concentrée sur les lèvres des autres.
Ma chère concentration que je dois comprendre, analyser… pour pouvoir l’adopter dans mon quotidien.
Ma chère concentration qui m’oblige à faire des pauses, à m’isoler quand j’en ressens le besoin. Le besoin d’être au calme, de ne dépendre de personne, de me promener seule, de lire ce que je veux, de prendre soin de moi le plus souvent possible.
Je ne pourrais certainement pas tenir le rythme actuel sans ces pauses-là, sans la compréhension de mon entourage.
Les impacts sur moi
Ma chère concentration qui fait dire aux autres mes défauts / comportements inappropriés sans que je le veuille vraiment :
L. est chiante / fainéante / agressive.
Elle nous oblige à répéter / faire des efforts / articuler mais elle ne nous regarde pas tout le temps.
Elle est souvent fatiguée et pourtant, elle se couche tôt.
Elle est hautaine / distante, elle n’est pas sociable… etc.
Mais oui, je suis un peu de tout cela à la fois ! Je suis obligée d’assumer ces étiquettes sinon je ne pourrais plus dormir.
Longtemps, surtout quand j’étais petite, je ne pouvais me défendre et je trouvais cela injuste. Je croyais aussi peut-être que c’était une partie de ma personnalité (forcément d’après les dires des autres !).
Ce qui m’a sauvée
Les gens me disent : Quand on te rencontre, on pense à tort que tu es comme ça, comme ci. Mais quand on apprend à te connaitre, cela n’a rien à voir.
Eh bien, merci…
Aussi ce détail. J’adore lire : cela m’a permis d’apprendre beaucoup sur moi, sur notre société… D’ailleurs, je vous avais parlé de ma bibliothérapie sur mon blog.
Plus on lit les témoignages des sourds ou de ceux qui les côtoient (entourages, spécialistes de la surdité…), plus on comprend que les sourds sont souvent affublés des mêmes étiquettes, que c’est la perception erronée des entendants qui nous jugent à partir de ces caractéristiques subtiles. Car ils ne connaissent pas les impacts de la surdité sur nos relations, nos attitudes…
Hélas, comme l’agressivité, la susceptibilité, la fatigue et l’isolement volontaire… Et malheureusement parfois, cette perception nous façonne à tort, contre notre gré, le plus souvent inconsciemment.
Je partage avec vous, cet article expliquant très bien (en anglais) ce qu’est la fatigue de la concentration qui est spécifique chez les sourds, et comment cela les affecte au quotidien.
Quand mes enfants, P’tit Loup et Tchipie, se parlent entre eux, j’imagine leur dialogue. Je scrute leurs lèvres, leur expression de visage, leur comportement… J’essaie de deviner leur sujet de conversation. J’aime imaginer ce qu’ils se racontent, pourquoi ils se disputent.
Quand ils étaient plus petits, ils prenaient leur bain ensemble et j’adorais les regarder se parler, se chamailler dans leur bain. Je n’y comprenais pas grand-chose mais ils étaient très mignons à regarder (je ne suis pas du tout objective !). Je trouvais adorable leurs façons de se parler, avec leur visage d’enfant, leurs petites dents de lait.
Encore aujourd’hui ! Ma fille est très bavarde, parle à ses poupées, regarde les histoires des livres à ses doudous… Mon fils plus discret sans doute avec ses jouets de grand frère, ses gadgets. Je me surprends à les regarder jouer, à essayer d’entrer dans leur imagination.
Cela m’arrive aussi – quand je m’ennuie – d’imaginer les conversations de mes enfants avec leurs amis ou cousins. Je surprends quelques mots par ci, par là et je pars dans mon imagination en fonction de leurs jeux !
Parfois, par curiosité, je leur demande de quoi ils parlent. Ils pouffent de rire, ils me racontent (pas toujours, hein) leur conversation.
Et, je ne le dis pas pour m’en vanter… Assez souvent, c’est étonnant comme ce que j’avais imaginé dans ma tête se rapproche de la la réalité ! Et les autres fois, ça m’amuse de voir combien je suis à côté de la plaque ! 😉
ça y est ! Tchipie, ma fille de 5 ans, m’a posé la fameuse question !
Est-ce que parce qu’elle commence à se rendre compte du regard des autres ? Une fois, j’ai surpris une phrase sur la bouche d’une fillette au centre de loisirs où je suis allée chercher ma fille : ‘Ta maman, elle est toujours comme ça?‘ Je ne sais pas ce qu’a répondu ma fille mais je n’ai pas cherché à m’y incruster. Si vous me suivez depuis le début du blog, vous savez bien que je ne veux pas forcer les enfants à m’en parler. Je ne leur en parle que si nécessaire ou bien quand ils me posent des questions en rapport avec la surdité.
Alors, ma fille m’a posé la question après son bain du soir. Mais attendez… Avant sa question, pendant que je la séchais avec une serviette, elle m’a parlé dans mon oreille, j’ai été surprise. Je lui dis : ‘J’entends ta voix avec mes appareils mais je ne comprends pas. Je regarde ta bouche pour comprendre. Tu disais quoi ?‘ Alors elle a souri, un peu gênée je pense.
Et elle m’a posé la question : ‘Pourquoi tu es sourde ?’
Je lui ai dit que, une fois, j’étais très très très très très très très très malade quand j’étais petite et qu’après, je suis devenue sourde. Ses questions s’enchainent : ‘c’est quoi le tuyau? c’est quoi dans ton oreille?’
Je lui explique en lui montrant les différentes parties de mon appareil auditif. La petite machine derrière l’oreille, le tube et l’embout. ça grossit sa voix et les bruits autour de moi. Si je n’ai pas mes AA dans mes oreilles, je n’entends rien et elle le sait très bien.
Car une autre fois, elle avait essayé de m’appeler pour me tester alors que je n’étais pas appareillée à ce moment. Ah la coquine!
Ensuite, elle m’a dit : ‘Il faut parler doucement avec toi. Pas vite.‘ Oui, c’est bien cela, ma Tchipie !
Pour les 9 ans de P’tit Loup, on a organisé son anniversaire avec ses copains comme chaque année depuis ses 5 ans… Moi qui crains à chaque fois de ne pas comprendre ses nouveaux amis qui, souvent, ne me connaissent pas.
Plus les enfants grandissent, plus c’est simple Continuer la lecture →