Aujourd’hui, depuis un mois, le masque est obligatoire pour les plus de 6 ans… Cela me navre, sachant mon attitude face aux adultes masqués.
Le matin ou le soir, sur le chemin de l’école, P’tit Loup et Tchipie, mes enfants, me parlent parfois avec leur masque, je le leur signale, ils le baissent ou enlèvent pour me répéter ce que je n’ai pas pu comprendre. Ils le font avec fierté ! C’est mignon… malgré tout.
Quand je les récupère à la sortie d’école, les enfants gardent encore leur masque sur le visage. Je leur propose de l’enlever. Ils l’enlèvent. La petite préfère souvent le garder sur son visage à cause du froid hivernal !
Mais mes enfants sont tellement choux avec leur masque en tissu imprimé !
En dehors de l’école, il arrive parfois que mon fils mette un masque sur son visage car il a 10 ans. Alors, quand il est avec moi, je lui dis (je suis égoïste, oui) : ‘Ne mets pas le masque, tu n’as pas encore 11 ans.’
Encore quelques deux mois et ce sera son tour de défigurer son canal visuel qu’est son beau visage d’enfant pré-adolescent… Alors, je profite de ces derniers moments de liberté, de communication spontanée, de leur visage découvert.
Les masques partout. Je vois des visages masqués autour de moi dans la rue, dans les magasins, au travail, dans les transports urbains. Le canal visuel est coupé entre moi et les autres, c’est-à-dire avec mon entourage proche, les commerçants, les collègues, les inconnus…
De temps en temps, depuis quelques mois, on me dit ou bien je reçois des messages : J’ai entendu parler du problème des masques pour les sourds à la radio / tv et je pense à toi ! Cela me touche sincèrement. Parfois, ce type de message : Ça doit être dur, je suis désolé(e) pour toi.
C’est simple, je ne comprends pas quand les autres me parlent avec leur masque qui cache leurs lèvres. Je ne vois plus entièrement leur visage qui, aujourd’hui, plus que jamais, est devenue une zone vitale pour comprendre ce qu’ils essaient de me dire.
Même ceux qui me connaissent me parlent avec, sans le faire exprès : ‘Merde, j’ai oublié que je le portais !‘ et on rigole ensemble !
On dit que la phrase : ‘tu as pris ton masque ?‘ est la plus souvent prononcée, alors que pour moi, c’est plutôt : ‘peux-tu / pouvez-vous enlever le masque ?‘
Et aussi, l’autre phrase la plus souvent prononcée dans ma vie, enfin davantage depuis que l’on porte les masques… A un mot près : ‘Je suis sourde, je lis sur vos lèvres pour comprendre. Pouvez-vous enlever le masque ?‘
(Vous voyez, je suis tout le temps polie !)
Je le disais beaucoup plus rarement avant tout ça. Avant l’arrivée du virus, avant le port du masque obligatoire. Aujourd’hui, je dévoile davantage ma surdité qui est invisible en temps normal.
Pourquoi je ne regarde plus la personne avec le masque?
Depuis que l’obligation du port de masque s’est généralisée partout, cela m’ennuie mais je n’y peux rien, je dois faire avec. Je suis évidemment pour freiner la pandémie du covid-19 par tous les moyens possibles mais le problème de communication va s’amplifier, multiplier nos malentendus, impacter davantage notre vie sociale.
Nous savons que cela risque de durer encore plusieurs mois, voire une année. Ne l’oublions pas.
Aujourd’hui, je ne regarde plus les personnes qui me parlent avec le masque, même si elles font partie de mon entourage proche, j’espère qu’elles ne m’en voudront pas !
En réalité, cela me prend encore plus d’énergie que dans mon quotidien sans masque… De manière automatique, je regarde la personne qui me parle, mais je ne la comprends plus à cause du tissu qui cache sa bouche. Je regarde ses yeux, je scrute son comportement non verbal. Inconsciemment, je cherche encore à comprendre, à deviner ce qu’on essaie de me dire.
Je ne supporte plus non plus de voir les gens parler avec le tissu qui gonfle et dégonfle sous le souffle ondulant de leur voix.
J’ai envie d’être tranquille. Je n’ai plus envie de marcher à côté de quelqu’un masqué. Je cherche des visages 100% découverts, lisibles. J’ai aussi envie d’être seule ou alors avec mes enfants qui ont moins de 11 ans.
J’ai appris à relativiser mais ce n’est pas fini.
Déjà, avant, je m’adaptais difficilement à la société, aujourd’hui encore plus. C’est triste à dire mais je me suis habituée à m’adapter vite quelle que soit la circonstance.
Aujourd’hui, j’arrive à rester sereine face à cette situation inédite grâce à de nombreuses personnes compréhensives autour de moi. J’ai appris à relativiser dans ce contexte, depuis mars dernier.
Je sais que d’autres personnes peuvent vivre des situations plus difficiles que moi, je sais que si quelqu’un me résiste avec son masque face à moi, c’est parce qu’il a ses propres raisons. Je dois encore apprendre à m’exprimer quand je suis très mal à l’aise face à une personne dont je ne vois plus le visage entièrement car, justement, ce n’est pas normal. Et on apprend ensemble à s’adapter, dans les deux sens.
Parfois, je vis des aventures incroyables avec des vitres en plexiglas, des visières, des masques transparents… des aventures qui mettent quand même du baume sur le cœur car on en rit souvent avec ces personnes ! Je raconterai cela dans un autre billet.
Et oui, on arrive à transformer ces situations sinistres pour les sourds, en des situations les moins gênantes possibles, des aventures rocambolesques ! Et nous en avons tous besoin pour notre moral.
Encore un long billet mais j’avais tellement envie de m’exprimer sur ce sujet. Merci de me lire encore et encore 🙂