Je ne vais pas vous donner des détails croustillants sur mon travail mais, comme c’est la semaine pour l’emploi des personnes handicapées, il faut bien en parler un tout petit peu en tant que salariée sourde… Au boulot, ça fait quelques années que je gagne ma vie, je continue pourtant à me battre. Ce n’est pas parce que mes études sont finies qu’on sera embauché les doigts dans le nez… C’est entièrement faux, un dipôme ne suffit pas souvent pour convaincre les RH ou managers de nous prendre pour un poste en adéquation avec nos compétences.
Parfois, je baissais les bras devant l’indifférence ou l’ignorance de certains gens. Heureusement, certains collègues m’ont soutenue (j’ai une pensée pour eux), ça vaut la peine de continuer parce que, après des années de mal-être dans un environnement qui ne me convenait plus, je suis enfin sur un poste qui m’intéresse.
Quand un manager (jeune en plus!) m’affirme que c’est mieux pour son collègue sourd, qu’il ne vienne pas en réunion, qu’il reste tout le temps à son poste, et que comme ça, il ne rencontre pas de problèmes sur son lieu de travail. Justement, on doit créer des problèmes au quotidien pour qu’on puisse avancer ensemble !
Je connais ce collègue – sourd et oraliste. Il ne vient ni aux pauses café ni à la pause déjeuner. Donc il déjeune seul et prend son café seul. Par contre, il est sympa et drôle pendant les échanges de mail ou par tchat ! On vient le voir quand on a besoin de lui en tant qu’expert. Pour le reste du temps, il est tranquille dans son coin.
Remarquez, quand je suis arrivée dans son service, je me disais : chouette tout le monde est déjà sensibilisé à la surdité, mais non ! tout était à refaire, je ne comprenais pas pourquoi les collègues me regardaient parfois comme une bête curieuse… En voyant son absence à toutes les pauses et réunions, je compris vite.
Malgré tout, je le comprends parfaitement : moi aussi, parfois, je me fais ch… pendant les pauses café / déjeuner, mais j’ai besoin de contact humain, de voir des gens, de sortir du cadre du travail de temps en temps comme presque tous les salariés, n’est-ce pas ?
Jamais, mon intégration au travail ne me fera autant réfléchir à mon statut de sourde. On passera 40 ans et pendant 5 jours par semaine, à bosser ensemble… et il y aura toujours quelqu’un qui remettra en question mes compétences en profitant de ma surdité.
J’ai lu dans un journal consacré à l’emploi des personnes handicapées, cette phrase tellement vraie : s’il n’y a pas d’humain derrière [NDLR la loi 2005], cela ne fonctionnera pas. A méditer !